Le manifeste de Nuée

Nuée est né d’un constat simple et profond :
les enfants ressentent avant de comprendre.

Quand ils sont bébés, on leur fait découvrir le monde par les sens — le toucher, la chaleur, les textures, la lumière.

Tout est exploration sensorielle. Et pourtant, on ne parle jamais du corps.

Puis vient le langage. Et avec lui, le monde change.

On explique, on décrit, on met des mots.

Petit à petit, le lien au corps s’efface.

Les sensations deviennent floues, secondaires, presque inutiles.

Le corps, pourtant, reste le premier lieu du ressenti.

C’est lui qui sait, qui guide, qui murmure.

Nuée est né pour rappeler cela.

Pour redonner aux enfants — et aux grands — le droit de sentir avant de comprendre.

Ressentir, c’est revenir dans le corps.
C’est quitter le mental, les mots, les histoires qu’on se raconte, pour revenir à ce qui est là : un battement, une chaleur, une tension, un souffle.

Quand on apprend à ressentir, on apprend à défusionner.

Cela veut dire qu’on n’est plus dans l’émotion, mais avec elle.

On cesse d’être englouti par la colère, la peur, la fatigue, la tristesse.

On la ressent, on l’observe.

Et à partir de ce moment-là, quelque chose s’ouvre : on ne projette plus, on ne lutte plus.

On laisse simplement circuler.

L’émotion retrouve sa nature : un passage.
Quelque chose qui vient, qu’on traverse, et qui repart.

C’est là que naît la liberté intérieure.

Les enfants ont besoin d’apprendre qu’ils ne sont pas leurs émotions,
mais qu’ils peuvent les sentir, les accueillir, et redevenir légers.

Les Contes de Nuée ne sont pas des livres “pour apprendre à gérer ses émotions”.

Ce sont des invitations à sentir, à respirer, à s’arrêter.

Chaque histoire, chaque mot, chaque image est une expérience sensorielle et symbolique.

L’enfant ne lit pas seulement : il ressent.
Il se reconnaît dans Nuée, dans sa manière de s’écouter, de faire de la place à l’intérieur.

Sans le savoir, il découvre les bases de la régulation émotionnelle :
respirer, observer, accueillir, relâcher.

La poésie devient un langage du corps.

C’est une pédagogie du vivant — une façon d’accompagner les enfants
dans leur monde intérieur, en redonnant au sensible, à la lenteur et au silence leur juste place.

Nuée, c’est un rappel.

Celui du corps comme premier lieu du ressenti.

Celui de l’émotion comme passage, et non comme identité.

C’est une invitation à ressentir avant de comprendre,

à observer sans se confondre,
à revenir à soi pour retrouver le monde.

Ressentir, c’est apprendre à écouter.

Observer, c’est se relier.

Accueillir, c’est déjà se libérer.

Derrière chaque émotion, il y a une respiration qui attend d’être retrouvée.

Et c’est là, dans cet espace intérieur, que naît la légèreté.